D’un coup surgissait, 
comme issu de quelque région souterraine de la civilisation, 
tout un contre-monde de subjectivités 
qui ne voulaient plus consommer, qui ne voulaient plus produire, 
qui ne voulaient même plus être des subjectivités. 
La révolution était moléculaire, la contre-révolution ne le fut pas moins. 
ON disposa offensivement, 
puis durablement, 
toute une complexe machine à neutraliser ce qui est porteur d’intensité. Une machine à 
désamorcer tout ce qui pourrait exploser. 
Tout les individus à risque, 
les corps indociles, 
les agrégations humaines autonomes, 
Puis ce furent vingt ans de bêtise, de vulgarité, d’isolement et de désolation. 
Comment faire? 

Opérer ce léger déplacement. 
Ne plus craindre son temps. 
«Ne pas craindre son temps est une question d’espace». 
Dans le squatt. Dans l’orgie. Dans l’émeute. Dans le train ou le village occupé. 
A la recherche, au milieu d’inconnus, d’une free party introuvable. Je fais l’expérience 
de ce léger déplacement. L’expérience 
de ma désubjectivation. Je deviens 
une singularité quelconque. Un jeu s’insinue entre ma présence et tout l’appareil de qualités 
qui me sont ordinairement attachées. 
Dans les yeux d’un être qui, présent, veut m’estimer pour ce que je suis, je savoure la 
déception, sa déception de me voir devenu si commun, si parfaitement 
accessible. Dans les gestes d’un autre, c’est une inattendue complicité. 
Tout ce qui m’isole comme sujet, comme corps doté d’une configuration publique 
d’attributs, je le sens fondre. Les corps s’effrangent à leur limite. A leur limite, 
s’indistinguent. Quartier suivant quartier, le quelconque ruine l’équivalence. Et je parviens 
à une nudité nouvelle, 
à une nudité impropre, comme vêtue d’amour. 
S’évade-t-on jamais seul de la prison du Moi ? 

La conspiration des corps. Non des esprits critiques, mais des corporéités critiques. Voilà 
ce que l’Empire redoute. Voilà ce qui lentement advient, 
avec l’accroissement des flux 
de la défection sociale. 
Il y a une opacité inhérente au contact des corps. Et qui n’est pas compatible avec le 
règne impérial d’une lumière qui n’éclaire plus les choses 
que pour les désintégrer. 
Les Zones d’Opacité Offensive ne sont pas 
à créer. 
Elles sont déjà là, dans tous les rapports où survient une véritable 
mise en jeu des corps. 
Ce qu’il faut, c’est assumer que nous avons part à cette opacité. Et se doter des moyens 
de l’étendre, 
de la défendre. 
Partout où l’on parvient à déjouer les dispositifs impériaux, à ruiner tout le travail 
quotidien du Biopouvoir et du Spectacle pour exciper de la population une fraction de 
citoyens. Pour isoler de nouveaux untorelli. Dans cette indistinction reconquise 
se forme spontanément 
un tissu éthique autonome, 
un plan de consistance 
sécessionniste. 
Les corps s’agrègent. Retrouvent le souffle. Conspirent. 
Que de telles zones soient vouées à l’écrasement militaire importe peu. Ce qui importe, 
c’est à chaque fois 
de ménager une voie de retraite assez sûre. Pour se réagréger ailleurs. 
Plus tard. 
