13/06/2007

Pétales de poissons rose

Il ouvrit la croisée toute large, heureux de
prendre un bain d' air ; mais, soudain, il lui
parut que la brise soufflait un vague montant
d' essence de bergamote avec laquelle se coalisait
de l' esprit de jasmin, de cassie et de l' eau de
rose. Il haleta, se demandant s' il n' était point
décidément sous le joug d' une de ces possessions
qu' on exorcisait au moyen âge.



L' odeur changea
et se transforma, tout en persistant. Une
indécise senteur de teinture de tolu, de baume du
Pérou, de safran, soudés par quelques gouttes
d' ambre et de musc, s' élevait maintenant du
village couché, au bas de la côte, et, subitement,
la métamorphose s' opéra, ces bribes éparses se
relièrent et, à nouveau, la frangipane, dont son
odorat avait perçu les éléments et préparé
l' analyse, fusa de la vallée de Fontenay jusqu' au
fort, assaillant ses narines excédées, ébranlant
encore ses nerfs rompus, le jetant dans une telle
prostration, qu' il s' affaissa évanoui, presque
mourant, sur la barre d' appui de la fenêtre.



Dans cet art des parfums, un côté l' avait, entre
tous, séduit, celui de la précision factice.
Presque jamais, en effet, les parfums ne sont
issus des fleurs dont ils portent le nom ; l' artiste
qui oserait emprunter à la seule nature ses éléments,
ne produirait qu' une oeuvre bâtarde, sans
vérité, sans style, attendu que l' essence obtenue
par la distillation des fleurs ne saurait offrir
qu' une très lointaine et très vulgaire analogie
avec l' arome même de la fleur vivante, épandant
ses effluves, en pleine terre.



Peu à peu, les arcanes de cet art, le plus négligé
de tous, s' étaient ouverts devant Des Esseintes qui
déchiffrait maintenant cette langue, variée, aussi
insinuante que celle de la littérature, ce style
d' une concision inouïe, sous son apparence
flottante et vague.
Pour cela, il lui avait d' abord fallu travailler la
grammaire, comprendre la syntaxe des odeurs, se
bien pénétrer des règles qui les régissent, et, une
fois familiarisé avec ce dialecte, comparer les
oeuvres des maîtres, des Atkinson et des Lubin,
des Chardin et des Violet, des Legrand et des
Piesse, désassembler la construction de leurs
phrases, peser la proportion de leur mots et
l' arrangement de leurs périodes.



Puis, dans cet idiome des fluides, l' expérience
devait appuyer les théories trop souvent
incomplètes et banales.
La parfumerie classique était, en effet, peu
diversifiée, presqu' incolore, uniformément coulée
dans une matrice fondue par d' anciens chimistes ;
elle radotait, confinée en ses vieux alambics,
lorsque la période romantique était éclose et
l' avait, elle aussi, modifiée, rendue plus jeune,
plus malléable et plus souple.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

tout n'est pas rose dans la vie et surtout pas les roses qui sont rouges dans l'obscurité

Anonyme a dit…

Croyez le cyprin, à Tool House c'est tout rose le jour et la nuit